Art-thérapie et mémoire : comment la création stimule les circuits cognitifs
La mémoire est au cœur de notre identité : elle structure nos apprentissages, nos émotions et notre rapport au monde.
Lorsqu’elle s’altère — avec l’âge, le stress, un traumatisme ou une maladie neurodégénérative — c’est l’ensemble du fonctionnement cognitif et affectif qui peut être fragilisé.
Dans ce contexte, l’art-thérapie s’impose comme une approche complémentaire innovante, mobilisant la création artistique pour stimuler les circuits cognitifs, soutenir la mémoire et restaurer un sentiment de continuité personnelle.
Qu’est-ce que l’art-thérapie ?
L’art-thérapie est une pratique d’accompagnement qui utilise le processus créatif (dessin, peinture, collage, modelage, écriture, musique, danse…) à des fins thérapeutiques. Elle ne vise pas la performance esthétique, mais l’expression, la symbolisation et la transformation psychique. Le geste créatif devient un médiateur entre le vécu interne et le monde extérieur, permettant d’explorer des émotions, des souvenirs et des représentations parfois difficiles à verbaliser.

Les différents systèmes de mémoire mobilisés par la création
Les différents systèmes de mémoire mobilisés par la création
La mémoire n’est pas un système unique : elle se compose de plusieurs sous-systèmes qui interagissent entre eux. L’art-thérapie a la particularité d’en activer simultanément plusieurs.
- La mémoire procédurale : liée aux gestes et aux automatismes (tenir un pinceau, pétrir l’argile). Même lorsque la mémoire déclarative est altérée, cette mémoire du « savoir-faire » reste souvent préservée.
- La mémoire sensorielle et perceptive : couleurs, textures, sons et odeurs stimulent les aires sensorielles et renforcent l’ancrage attentionnel.
- La mémoire émotionnelle : la création artistique réactive des émotions associées à des expériences passées, facilitant l’accès aux souvenirs.
- La mémoire autobiographique : en créant, la personne peut faire émerger des fragments de son histoire personnelle, parfois de manière indirecte ou symbolique.
Stimulation des circuits cognitifs par l’acte créatif
Le processus créatif sollicite un réseau complexe de régions cérébrales. Il engage :
- les fonctions exécutives (planification, prise de décision, flexibilité cognitive),
- l’attention soutenue,
- la coordination motrice,
- les capacités de représentation et d’imagination.
Cette activation multimodale favorise la neuroplasticité, c’est-à-dire la capacité du cerveau à créer de nouvelles connexions neuronales ou à renforcer celles existantes. En art-thérapie, la répétition de gestes créatifs dans un cadre sécurisant contribue ainsi à entretenir, voire à réorganiser, les circuits cognitifs impliqués dans la mémoire.
Art-thérapie et troubles de la mémoire
L’art-thérapie est de plus en plus utilisée auprès de personnes présentant des troubles cognitifs :
- Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : même à des stades avancés, la création artistique permet de maintenir une communication non verbale, de réduire l’anxiété et de raviver des souvenirs émotionnels.
- Traumatismes psychiques : l’expression artistique facilite l’accès à des souvenirs implicites, souvent stockés de manière sensorielle plutôt que narrative.
- Vieillissement normal : la pratique artistique régulière soutient les capacités attentionnelles et mnésiques, tout en renforçant l’estime de soi.
Au-delà de la mémoire : une approche globale de la personne

En stimulant la mémoire, l’art-thérapie agit également sur d’autres dimensions :
- le lien social,
- la régulation émotionnelle,
- le sentiment d’identité et de continuité de soi,
- la qualité de vie globale.
La création devient alors un espace où passé, présent et avenir peuvent dialoguer, même lorsque les mots manquent.
L’art-thérapie offre une voie singulière et profondément humaine pour soutenir la mémoire et les fonctions cognitives. En mobilisant le corps, les sens, les émotions et l’imaginaire, la création artistique stimule les circuits cérébraux de manière intégrée. Plus qu’un simple outil de stimulation cognitive, elle permet de redonner sens, expression et dignité à l’expérience vécue, rappelant que la mémoire ne se limite pas à ce dont on se souvient, mais aussi à ce que l’on ressent, crée et partage.
